Revue SILENCE, numéro 312-313, été 2004
LE
HAMEAU DE LA BROUSSE
Entre Angoulême et Périgueux, le hameau de la Brousse est
un lieu d'accueil pour les artistes et pour les autres.
Michel
Gayout a été longtemps directeur artistique dans de grosses
boîtes de communication à Paris. Un travail dont il a fini par
se lasser. Il a tout fait : de la publicité, des illustrations pour
l'édition, des affiches de films, des couvertures de disques et de
livres. Il trouve que le milieu de la communication est trop refermé
sur lui-même et auto-référentiel donc finalement peu intéressant.
Vivre à Paris, même avec de bons revenus, est d'abord une affaire
de contrainte. Né à Paris, il a vécu quelques temps à
la campagne. Revenu dans la capitale et pour ne pas être trop dans la
ville, il a choisi, en 1975, de vivre sur une péniche. A cette époque,
les péniches ne se vendent pas cher et il apprécie de démarrer
son habitation dans un grand espace entièrement à aménager.
Il en achète une pour seulement 25 000 F. Il commence par vivre dans
la cabine de l'ancien marinier et aménage l'ensemble du volume très
progressivement. Avec succès puisque d'autres amis lui demandent à
leur tour des conseils pour acheter et aménager leur péniche.
Il va ainsi aider à l'aménagement d'une dizaine de péniches.
Née aussi à Paris, Hélène Le Cheviller est originaire
de Bretagne où, enfant, elle passait les vacances d'été.
Après des études de graphisme à l'Ecole Estienne de Paris,
elle est aussi partante pour s'installer à la campagne. Ils vivent
plusieurs années ensemble sur la péniche. Ils essaient tous
les deux d'avoir une activité artistique, mais la ville les freine.
Ils débattent alors de faire un projet à la campagne, avec une
recherche de plus d'autonomie, une vie plus simple et plus authentique. Ils
ont envie de produire leurs légumes et d'avoir des animaux. Ils réfléchissent
alors à un premier projet : restaurer un lieu en y créant des
ateliers d'artistes pour favoriser des résidences à la campagne.
Pour des plasticiens, la campagne peut aussi être une source d'inspiration,
la nature pouvant fournir les matériaux. A priori ils ne veulent pas
faire un lieu d'artistes classique, avec financement de résidences
par des subventions. Pourtant ils s'y résignent car les plasticiens
ne peuvent souvent pas se payer de tels ateliers alors que les collectivités
territoriales offrent des aides à cet effet. Ils ne font pas un projet
trop ficelé car ils pensent que le lieu va imposer ses propres contraintes.
Reste maintenant à le trouver.
Un
hameau perché
Ils ont des amis déjà installés en Dordogne, un département
très prisé par les Parisiens et les Européens du nord.
A l'automne 1992, ils s'installent en gîte dans le département
et commencent à visiter des lieux. Tous les matins, ils sont sur les
routes. En Dordogne, ils ne trouvent rien. Ils cherchent le coup de foudre.
Ils vont alors élargir leur recherche. C’est seulement en décembre
de cette année qu'ils vont enfin trouver le hameau de la Brousse. Un
lieu magnifique et bien sujet à stimuler l'imagination : plusieurs
maisons perchées au flanc d'une colline d'où sortent six sources.
Une vue panoramique sur la nature, sans voisinage. Sous les maisons, d'anciennes
carrières de pierre abandonnées qui offrent un véritable
labyrinthe souterrain (plusieurs milliers de m2). De part et d'autres des
maisons, des petites falaises qui ouvrent sur le paysage et la contemplation.
Les maisons, la plus ancienne datée du seizième siècle,
d'autres du dix-huitième, du début vingtième, sont de
tailles variées et peuvent être aménagées de manière
différentes : appartements, ateliers, accueil, salle à manger
commune, gîte, studios, salle de répétition... Cest une
ancienne ferme en vente suite au décès de son propriétaire,
mort à plus de 90 ans. Michel se renseigne sur le prix. Malgré
l'importance de la surface habitable, cela ne représente que le tiers
de l'argent tiré de la vente de la péniche, ce qui leur laisse
une bonne masse financière pour effectuer des travaux. La Charente
est l'un des départements les moins chers du sud-ouest de la France.
Les premiers travaux vont consister à rendre habitables deux espaces,
une maison pour eux, un appartement pour la mère de Michel. A Paris,
dans les dernières années, cette dernière est venue habiter
sur la péniche. Elle les suit en Charente.
Les
grands travaux
Tout est à faire. Il n'y a pas de cuisine, aucun sanitaire viable.
La restauration des lieux commence et met en évidence deux méthodes.
Michel aime à laisser le lieu l'inspirer, à avancer par
petites touches, à lancer plusieurs choses en même temps,
à voir comment elles se répondent, se complètent.
Il se laisse guider. Hélène a un peu de mal à accepter
cela, elle préfère une démarche plus rationnelle
: on finit ce que l'on a commencé. Le résultat est fort
agréable. Après la maison et l'appartement, d'anciennes
écuries sont transformés en ateliers. D'anciennes granges
et maisons accueillent les cinq chambres d'hôtes et une grande salle
de 150 m2 permet d'avoir plusieurs activités (stages, répétitions,
concerts, enregistrement de musique quand nous sommes passés).
Des hangars plus éloignés ont permis d'aménager d'autres
logements dont certains sont loués à l'année (une
artiste céramiste habite et travaille sur place). Le chantier va
durer pendant deux ans et demi, avec l'embauche à plein temps d'un
menuisier pendant un an et demi, avant que le lieu ne puisse accueillir
du public ou des résidents. Une longue course contre la montre
car pendant tout ce temps, le capital tiré de la vente de la péniche
fond sans qu'aucun revenu ne vienne le remplacer. Les copains viennent
aider, mais si cela donne des moments de relation privilégiés,
cela n'est pas forcément ce que viennent chercher les visiteurs
à la campagne. Un restaurant table d'hôtes est aménagé
dans l'un des plus grands bâtiments. Comme il s'agit d'un lieu qui
sera public, cette partie est conçue avec l'aide d'un architecte.
Une course contre la montre: le capital tiré de la vente de la
péniche fond sans qu'aucun revenu ne vienne le remplacer. Hélène
se débat dans les questions administratives, arrivant à
trouver quelques subventions (200 000 F au titre de projet touristique
en zone défavorisée). Michel écume les brocantes
de la région pour favoriser au maximum le recyclage des matériaux.
Toute la décoration intérieure provient de récupérations.
Aujourd'hui, il y a plus de 1000 m2 de surface habitable qui ont été
restaurés. Les anciennes carrières ont sans doute servi
jadis pour sortir les pierres pour les habitations d'ici et d'ailleurs.
Du temps de l'ancien propriétaire, elles ont été
louées pour y faire pousser des champignons. Aujourd'hui, elles
sont autant de surfaces de stockage. Véritable caverne d'Ali Baba,
on y trouve aussi bien du bois qui sèche pour les futures charpentes
ou du matériel lourd placé là par différentes
compagnies artistiques.
Un
parfum d'écologie
Le lieu ne se veut pas qu'artistique. Il s'inspire aussi des démarches
écologiques. Pour le côté social, on a déjà
vu qu'il est possible de venir donner un coup de main sur place (4 h par
jour) en échange de l'hébergement et du couvert : mais tout
un travail a été fait pour favoriser les économies
d'énergie, le jardin est cultivé en bio, avec des expériences
de buttes et de compostage, le paysage est travaillé en douceur,
des cabanes ont été autoconstruites, en matériaux
locaux et avec une grande simplicité. Pratiquement tout l'aménagement
intérieur utilise des matériaux de récupération.
Pour autant, tout n'est pas aux normes de l'habitat sain, car d'une part,
il y l'obstacle du prix et du savoir-faire, d'autre part, certains produits
conseillés pour les particuliers ne sont pas acceptés dans
des lieux collectifs. Ils ont pris des renseignements pour installer un
chauffage solaire, mais c'est resté à l'état de projet:
il est difficile d’intégrer un tel projet dans une architecture
ancienne. Ils ont finalement opté pour un chauffage au fuel...
quelques années avant de rencontrer les nouvelles chaudières
à bois déchiquetées qui iraient tout à fait
bien dans le hameau.
Enfin, cerise sur le hameau, le silence ! D'une part les voitures doivent
s'arrêter sur un parking à l'écart et le hameau est
uniquement piéton. D'autre part, il n'y a aucune télévision
dans les différentes habitations. Si vous entendez de la musique,
c'est qu'il y a vraiment un musicien!
Un
lieu de culture
Bon, c'est bien beau, mais qu'est-ce qui s'y passe dans ce hameau,? La
première location a été pour l'association «Le
rire médecin», une association de clowns qui interviennent
dans les hôpitaux et autres lieux médicalisés pour
apporter du rire aux enfants malades. Ensuite, il y a eu tout un réseau
d'amis parisiens qui a profité des salles offertes pour l'accueil
de multiples stages : danse, théâtre, qi gong, arts martiaux,
musique... Pendant un temps, Michel a donné quelques stages de
sculpture mais cela faisait trop de travail. En général,
les groupes qui louent viennent avec leur public pour des stages intensifs,
souvent d'une semaine. Aujourd'hui, une structure associative, Ciel ouvert,
a été créée pour gérer les activités
culturelles et les résidences d'artistes en complément de
la structure commerciale qui gère les hébergements. Pendant
plusieurs années, le lieu a vu des concerts toutes les semaines,
faisant connaître le lieu localement. Mais si le voisinage vient
«consommer» du concert, il ne s'intéresse presque jamais
au projet global qui est derrière. L’association bénéficie
maintenant de subventions locales, départementales et régionales.
Il y a une certaine fidélité dans les locations pour les
stages, d'où une relative absence de publicité. Celle-ci
reste très ciblée avec d'une part un site internet, d'autre
part la présence dans quelques salons comme Vivre autrement ou
Marjolaine à Paris. Depuis 1998, Marie Mazères, céramiste,
est installée sur place, disposant de son atelier et de son appartement.
D'autres artistes ont séjourné quelques mois ou quelques
années.
Un
jardin habité
Entre 1996 et 1999, il y a eu un parcours artistique avec des épouvantails
balisant une promenade à travers les champs et les bois, en partenariat
avec des voisins artistes, et depuis plusieurs années, l'association
Ciel ouvert mène un projet d'aménagement paysager à
plus grande échelle. Michel en est le premier animateur. L’idée
est d'arriver à multiplier les parcours sur un espace de cinq hectares
avec des apports humains variés. Michel a en projet une promenade
dans un ruisseau, les pieds dans l'eau, entièrement sous le couvert
végétal. En haut des falaises, des cabanes sont en construction,
folies de jardin ingénieusement accrochées à la pierre.
Un débroussaillage sélectif permet de mieux voir la blancheur
des falaises. L’association a lancé des appels à de
multiples artistes et près d'une centaine ont marqué leur
intérêt pour venir faire des oeuvres. Celles-ci (installations,
cabanes, sculptures, scénographies, land-art, poésie paysagère,
etc.) tiendront compte de la spécificité du paysage et des
couleurs locales, afin de créer une symbiose interactive, riche
de sens. Les artistes devront mettre en valeur la diversité des
points de vue, utiliser autant que possible les matériaux présents
sur le terrain (le bois, la terre, l'eau, la pierre et le végétal).
Le but étant de faire surgir, d'ici un an, un jardin visitable
privilégiant des rencontres esthétiques dans le respect
de la nature.
Quelques
regrets
L’activité d'hébergement permet le mélange
des genres : autour de la table commune en hiver, dans le restaurant en
été, se mélangent artistes, stagiaires et familles
en vacances. Comme le dit Michel : «quand on a lu pour la première
fois un article sur les écohameaux, on a découvert qu'on
en avait fait un sans le savoir». Rappelez-vous. Michel et Hélène
avaient quitté Paris pour aller dans un milieu plus simple, plus
autonome et plus créatif. Plus simple et plus autonome, le pari
est gagné. Plus créatif? Là, ça dépend
pour qui! Pour les visiteurs, l'accueil est tellement parfait que nul
doute que l'imaginaire doit y trouver ses aises. Mais pour Michel et Hélène,
ils sont souvent pris par cet accueil et ont même le plus grand
mal à trouver de temps en temps une semaine de vacances ! "On
manque de temps artistique» constate Hélène. Pour
essayer de se dégager de la gestion des lieux, ils espèrent
progressivement l'installation de locataires de plus longue durée
et moins d'accueil ponctuel en gîte. Michel sculpte un peu. Depuis
le 20 novembre 2002, Hélène gère un calendrier en
image sur internet : elle rajoute une image chaque jour.
Une
ruche artistique
En été, c'est une véritable ruche artistique ! Il
peut y avoir jusqu'à cinquante personnes dans la journée
(il y a une aire naturelle de camping qui complète le lieu). Des
chapiteaux sont montés où des troupes préparent des
spectacles. Les carrières résonnent des tirades d'un théâtre.
Les visiteurs, avec un peu de chance, pourront peut-être assister
à une première!
Michel BERNARD
La Charente Libre, 7 octobre 2005
DIX
ANS DE DÉFRICHAGE CULTUREL À LA BROUSSE
Le hameau de La Brousse fête son dixième anniversaire en
douceur à Sers. Entre éveil à la nature et éveil
aux arts, le site s'est fondu naturellement dans le paysaGe culturel et
l'on y nourrit encore de nombreux projets.
Quand Michel Gayout et Hélène Le Cheviller ont débarqué
de Paris il y a dix ans, jeunes loups de la pub en mal de verdure, personne
ou presque ne pariait un sou sur leur projet. Pensez donc, restaurer un
ensemble de ruines paumées, entre Sers et Dignac, pour en faire
un lieu de culture et de création! L'entreprise sentait fortement
le caprice de Parisiens en mal d'aventure. Dix ans plus tard, leur hameau
de La Brousse est un incontournable de la vie culturelle charentaise,
l'unique scène privée à proposer en pleine campagne
une trentaine de concerts par an, des ateliers et des résidences
d'artistes… Ce bouillonnement culturel est couplé à
une intense vie commerciale. La Brousse propose des chambres rustiques
(25 lits) avec vue sur la forêt d'Horte et une table d'hôte
bien campagnarde, le tout vanté dans nombre de guides touristiques
dont le Routard et «Vacances écologiques», «qui
nous apportent plein de monde» confirme Michel Gayout. Des centaines
de personnes défilent donc chaque année dans ce domaine
patiemment retapé pour s'en mettre plein les oreilles, apprendre
la musique, la danse, la poterie, visiter une exposition, refaire le monde
autour d'une tarte bio ou passer des vacances vertes. Malgré quelques
maladresses et quelques erreurs qu'ils reconnaissent volontiers, Michel
Gayout et Hélène Le Cheviller ont vaincu les réticences
et mené leur barque avec persévérance, entraînant
dans leur sillage de nombreux “cultureux” 1ocaux. L'esprit
ouvert, La Brousse connut même un grand succès populaire
avec sa “Piste aux épouvantail”. Conçue avec
d'autres habitants du coin, foulée par les foules pendant cinq
ans, cette amusante balade a été ravagée par la tempête
de 1999.
“Un lieu de débauche et de drogue…”
Si le hameau de Sers attire, il intrigue aussi, et attise la rumeur. «Faire
un truc atypique, ça entraîne des réactions vives.
On a tout dit de La Brousse : que c'était un lieu de débauche
et de drogue, que j'étais un proxénète. Et je ne
parle pas des gens qui pensent qu'on s'en met plein les poches»
sourit Michel Gayout,le cheveu grisonnant en bataille, et l'œil malin.
S'il roulait sur l'or sur sa péni che parisienne, alors graphiste
à la mode, le couple a appris à vivre plus chichement, à
s'enrichir de vraies rencontres, à défricher ce patrimoine
devenu sien. Il n'a pas fait fortune à Sers, mais visiblement,
il y vit heureux. «On est loin d'avoir exploité tout le potentiel
de ce lieu, on en a encore pour au moins vingt ans» s'amuse Michel
Gayout, sans regretter une seconde son coup de folie des années
90. Au contraire, il s'emballe en évoquant de nouveaux projets.
La Brousse, assure-t-il, va devenir un «pôle arts plastiques»
en milieu rural, toujours avec la complicité de Ciel Ouvert, l'association
qui gère le volet culturel du hameau. «Le jardin habité»,
promenade jalonnée d'œuvres d'art, sorte de version «professionnelle»
de la piste aux épouvantails, y est en cours d'aménagement.
Les idées germent sans cesse dans un lieu qui ne cache pas sa forte
coloration «écolo». La revue alternative «Silence»
lui a consacré récemment, quatre pages dithyrambiques et
c'est ce petit bout de terre perdu que Daniel Cohn-Bendit a choisi pour
réunir les Verts du Poitou-Charentes quand il menait campagne pour
l'Europe. Le hameau de La Brousse vient d'avoir dix ans sans souffler
de bougies : «On fêtera le onzième anniversaire, c'est
plus amusant» prévient Michel Gayout. Histoire de surprendre
encore en se laissant porter. La vie suit son cours à La Brousse,
à son rythme, hors du temps. Mais sûrement.
Thierry CORDEBOEUF
FRANCE-SOIR, le 1er août 2001
BOBOS
DANS LA BROUSSE
En Angoumois, un couple de parisiens branchés a ressuscité le
hameau de la Brousse. Dix ans plus tard, c'est un lieu de séjour ouvert
sur toutes les tendances du bonheur. Courez-y.
Le vert, la terre, l'art et l'esprit. La campagne devient aussi synonyme d'époque nouvelle.
Un
hameau sur un rocher, en Angoumois, aux portes de la Dordogne. Des hectares
de vert en brins, en feuilles. Sept sources. Des sentiers, de grands arbres.
La nature, pleine, tout autour des bâtisses. Une autre vie, un autre
rythme. Il y a dix ans, Michel Gayout et Hélène Le Cheviller,
tous deux artistes plasticiens, un peu déportés dans la
publicité et le graphisme, jettent sur ce hameau déserté
de la vallée de l'Echelle leurs économies et 200 000 F de
subventions. Leur rêve et leur tempérament aussi, ils en
auront besoin. Tout est à faire, du sol au plafond, du chauffage
aux terrasses, tout. Plus qu'une maison, c'est à un minuscule village
qu'ils vont redonner vie. En dix ans, façonnant, terrassant, jardinant,
créant, ils ont dopé ce petit coin de France. Chaque maison,
chaque appentis, la grange à foin, le pigeonnier, ont peu à
peu pris d'autres fonctions. Michel et Hélène auraient pu
devenir des hôteliers, mais indéfectiblement leur but était
ailleurs, plus vaste et animé qu'un de ces hôtels de charme
dont on se refile l'adresse comme une cure de jouvence.
Malgré les épreuves, la morte saison, le travail surhumain,
la Brousse devait devenir un lieu propice aux découvertes, aux
expériences, à la pratique détendue d'un art qui
les avait déçu à Paris. Une autre forme de galeries
et d'ateliers, d'allées et venues. De la grange ils ont fait une
vaste salle de répétition, de concert, avec une salle de
restaurant et d'expositions pouvant accueillir jusqu'à 80 couverts.
De la carrière de pierre au pied de la propriété
- 600 mètres carrés taillés dans la roche - un espace
à performances où peuvent rivaliser les watts et les chandelles.
En contrebas, une vallée minuscule abrite aujourd'hui un potager.
Chez eux on vient pour apprendre, découvrir, " travailler
" ses passions ou ses désirs, autant que pour se laisser vivre.
Au final, c'est un lieu rare. Une petite merveille, un peu assoupie l'hiver,
foisonnante l'été. Des écrivains sont venus y écrire,
des peintres y peindre. Des clowns. Des familles, des groupes s'y retrouvent
pour s'initier ou se perfectionner à tout ce qui fait l'époque.
La nature, la nourriture biologique, la poterie, la céramique,
relaxation, dynamisation, ballade, Qi gong, ( randonnées et botanique
), Tai-ji Quan ( les 108 mouvements de l'école Yang ), Mouvement
Feldenkrais ( Gestuelle et conscience de son corps dans le bien-être,
si, si ), chamanisme, tantra.
Bref, un vrai petit précis pour bobos, ces bourgeois bohèmes,
perclus et perdus dans les cités sans âme. Tout s'organise,
se côtoie, se relaie. On toucherait au snobisme si le bon marché
de la villégiature ne faisait pas fuir les snobs au profit des
amateurs, naturels et souriants. On mange bien et on ne grossit pas. On
peut aussi ne rien faire, sans s'ennuyer jamais. Discuter, se taire, apprendre
ou oublier. Veiller, créer, dormir, avoir tout compris ou vouloir
en savoir davantage. Avancer. Se plaire. Être heureux. "
Jean-François KERVEAN